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Le discours politique et le développement du sentiment d’appartenance

  • Dr Moulay Rachid MRANI
  • 9 janv. 2016
  • 4 min de lecture

L’arrivée des réfugiés syriens au Canada est un évènement chargé d’émotions et de messages pour les musulmans. C’est un long et dangereux voyage d’un pays musulman en plein chaos, vers un pays non musulman en paix. C’est une fuite d’un pays où plusieurs groupes s’entretuent pour appliquer la charia, vers un pays où les objectifs du message de l’islam sont déjà appliqués en toute sérénité. C’est une immigration d’une région où les trois grandes religions peinent à s’entendre, vers un territoire sur lequel toutes les religions et les croyances coexistent dans le respect mutuel. Finalement, les réfugiés syriens ont quitté un faux projet d’État islamique pour se retrouver dans un État où les valeurs de l’islam sont plus présentes qu’ailleurs.



Accueillis avec beaucoup de respect dans une ambiance festive qui rappelle l’arrivée du Prophète Mohammad en réfugié à Médine, les nouveaux syriens du Canada ont certainement eu l’impression d’arriver chez eux. Entendre la chanson de Tala’a al-Badru ‘alayna de la bouche des enfants du Canada en signe de bienvenue est à la fois un message très positif pour tous les musulmans du monde, et un coup très dur pour les extrémistes de tout bord. Plusieurs messages ressortent de cet accueil pour dire aux réfugiés qu’ils sont à l’abri des atrocités et des brutalités qu’ils subissaient dans leur propre pays, ce qui nous rappelle la situation du Prophète Mohamed et des autres musulmans qui fuyaient les tortures de leur propre tribu Quraychite. Pour leur dire aussi qu’ils sont arrivés, à l’image de l’arrivée de Prophète de l’islam à Yathrib, à une terre de paix où ils peuvent vivre leur spiritualité en toute sécurité.


Aujourd’hui, on considère qu’une terre d’islam n’est plus une terre où on est majoritairement musulmans, ni une terre, où l’on applique les châtiments corporels, mais c’est plutôt une terre où l’on optimise le respect, la dignité, la justice, la tolérance etc. Par exemple, un pays qui refuse d’accueillir provisoirement les réfugiés musulmans qui soufrent à quelques kilomètres de son territoire peut être moins islamique qu’un autre qui choisit d’aller les chercher à plusieurs milliers de kilomètres, sans forcément partager ses convictions religieuses. Un gouvernement qui massacre ses citoyens parce qu’il les considère comme une menace pour sa continuité au pouvoir est certainement plus loin de l’islam qu’un gouvernement qui les accueille et les considère comme une chance pour son pays et une fierté pour son bilan politique.



La transparence des frontières imposée par la mondialisation a diminué le monopole des pays traditionnellement musulmans sur l’islam. Avec la présence de grandes communautés musulmanes en Occident, dans un climat qui favorise les égalités, les libertés et la dignité des citoyens, les musulmans peuvent vivre leur spiritualité mieux que dans certains pays majoritairement musulmans. Cependant, pour mieux saisir ce nouvel effet de la mondialisation, il faut s’entendre sur ce que veut réellement dire le mot État islamique.


Un État islamique est très souvent défini comme un pays majoritairement musulman contrôlé par un système politique islamiste qui applique les châtiments corporels, qui limite l’accès à l’école et au travail aux femmes et qui refuse toute diversité religieuse sur son territoire. Cette perception de l’État islamique est partagée par les groupes extrémistes islamistes, dans le monde musulman, et par les discours populistes de certains politiciens, en Occident. Cependant, l’islam est loin de tous ces stéréotypes diffusés en boucle dans les médias et appuyés par les atrocités des groupes radicaux. Il s’agit plutôt d’un message de justice, de dignité, d’amour et de tolérance. Ce sont ces principes qui alimentent la spiritualité de l’écrasante majorité de musulmans dans le monde. Ces derniers sont, malheureusement, moins visibles, moins spectaculaires et moins rentables médiatiquement que les attentats et les vidéos choquantes ‘’réalisés’’ par les terroristes.


En voyant l’arrivée des réfugiés syriens au Canada, on comprend bien que l’esprit de l’islam et son message existent certainement dans plusieurs pays Occidentaux, et souffrent de plusieurs contradictions dans un grand nombre de pays majoritairement musulmans. Les vagues d’immigrations des pays musulmans vers l’Occident en est une preuve. Ces gens quittent leur contexte islamique qui manque de travail, de sécurité, de justice et de liberté pour un contexte laïc qui garantit tous ces droits. Plus intéressant encore, plusieurs personnes quittent leurs pays islamiques vers l’Occident pour pouvoir pratiquer librement leur spiritualité loin de l‘autoritarisme des pouvoirs politiques de leurs pays d’origine. Cela explique la nature de la croyance religieuse en général et de l’islam en particulier, qui condamne la contrainte et qui ne peut se développer et s’épanouir que dans la liberté et l’ouverture. Ces deux qualités sont plus développées et plus présentes en Occident que dans le monde majoritairement musulman, et elles contribuent largement au développement du sentiment d’appartenance.


Cette réalité dépend principalement de l’engagement des communautés musulmanes dans leurs pays d’accueil pour le vivre-ensemble d’une part, et de la qualité des programmes politiques qui les considèrent comme une richesse et non comme une menace, d’autre part. Les partisans de cette attitude politique ont bien compris que, quand les musulmans se sentent, à cause des discriminations, étrangers après plusieurs générations, et lorsque les politiques des pays d’accueil fondent leur légitimité sur la stigmatisation d’une partie de la population en dressant les citoyens les uns contre les autres, les pays se déstabilisent et mettent en jeu leurs cohésions sociales et leurs possibilités de construire un véritable vivre-ensemble.


 
 
 

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