Tout discours repose sur des fondements éthiques et se singularise par des caractéristiques qui lui sont propres. Le discours ne peut revêtir un caractère crédible et une visée significative que s'il est doté de ces fondements et d'une stratégie de mise en discours. En effet, tout discours exprime l'identité collective et traduit la pensée de son énonciateur. Par suite, le discours islamique est un discours qui reflète, d'une manière ou d'une autre, la vision du monde et la visée argumentative dudit énonciateur, ainsi que les spécificités et l'identité civilisationnelle ou culturelle de la communauté musulmane source. 

 

L'islamisme politique est, en cette phase cruciale des sociétés arabes, le grand bénéficiaire des mouvements révolutionnaires, connues sous le nom commode de " printemps arabes ". Les élections égyptiennes, marocaines et tunisiennes l'ont confirmé, assez rapidement. La victoire des Islamistes modérés, loin d'être une surprise, interpelle néanmoins les observateurs par son ampleur. En Lybie, dont les institutions ne sont pas encore stabilisées, ces derniers constituent une force certaine. En Egypte, le bras de fer entre Islamistes et libéraux, soutenus par les militaires, ne fait que s'aggraver vers une situation de non-retour.

Sur le terrain, ce qui frappe tout observateur de la scène politique arabe, est le fait que les islamistes, s'ils n'ont pas été les premiers à descendre dans la rue pour obtenir la fin de régimes autoritaires et usés, ont pu, quand même, convertir en pourcentages et en sièges des décennies de lutte opiniâtre contre des pouvoirs, en fin de course. La déception que provoque en Occident, la disparition de figures emblématiques occidentalisées et libérales se double, dorénavant, d'une réelle inquiétude, renforcée par l'émergence d'un fondamentalisme religieux irrédentiste, incarné par le courant salafiste. Un courant radical, assez éloigné de l'islamisme conservateur de l'AKP turc, érigé parfois en modèle sur la rive sud de la Méditerranée, comme c'est le cas au Maroc et en Tunisie. 

Aussi trois pôles peuvent être, schématiquement, identifiés :

 

Le puissant courant national-islamiste de la confrérie des Frères Musulmans, dopé par des décennies d'expérience et de répression politiques et qui a progressé dans tout le monde arabe.
 Le mouvement salafiste ensuite, qui bascule entre sa version littéraliste (qui prône un retrait de la politique), réformiste (encline, au contraire, à entrer en politique) ou djihadiste, dans sa forme extrême et minoritaire.
 L'islam 'officiel' enfin, dont la parole a été affaiblie par des années de compromis ou de compromission avec les régimes politiques et qui peut être tenté aujourd'hui, à l'instar de l'institution égyptienne d'Al-Azhar, de jouer les arbitres entre les différentes sources de pouvoir.

 

Le discours islamique est, le plus souvent, difficile à cerner, car il peut être, facilement confondu avec la superstructure religieuse, celle des institutions officielles. Or, c'est dans la pratique, comme dans le discours de prêche, de dimension théologique et référentielle - celle de représenter l'islam " véridique " - que sa prétention sectaire se manifeste. Stigmatisant les pathologies individuelles et sociales, liées à l'identité, à l'appartenance culturelle et aux problèmes communautaires du vécu, que le discours islamique semble occuper les brèches et présenter une alternative viable, en adéquation avec l'individualité musulmane inquiète, dépassée par la modernité et noyée dans le tourbillon de la mondialisation. 

 

Pourtant, vue de plus près, cette alternative n'offre aucun éventail de réponses concrètes et actuelles à la réalité musulmane. Elle se contente de réitérer un modèle sociopolitique passéiste, rehaussé de slogans et de représentations qui insistent sur l'aspect identitaire, mais qui n'affichent aucune originalité et qui ne marquent pas de différences fondamentales avec l'ordre établi. C'est ainsi qu'au niveau économique, la vulgate libérale occidentale trouve son équivalent dans l'islam capitaliste prêché par l'économie " islamique ". 

 

Il est évident aujourd'hui que le discours politique prédominant est un discours qui instrumentalise la peur et alimente les clichés réducteurs. Le terrorisme est désormais intimement lié à l'islam, tout musulman en est génétiquement suspect jusqu'à preuve du contraire. Dans toutes nos tentatives de dialogue les uns avec les autres, il faudrait savoir retransmettre ce sentiment intolérable de " stigmatisation " dont sont victimes les musulmans à l'échelle mondiale.

Sur le plan médiatique, il est à constater que le discours religieux des chaînes de télévision islamiques, arabes et musulmanes, se donne à lire comme un discours moralisateur et mobilisateur, basé d'une part, sur une exigence de vénération et de sacralisation, et d'autre part, sur une dialectique sélective et ambiguë qui demeure marquée par l'apologie. Ces caractéristiques sont dues à la stratégie de défense des valeurs religieuses du croyant contre un ennemi, athée ou mécréant, supposé représenter une menace pour la collectivité musulmane.

 

Axes de réflexion

 

 Discours islamiques/ Discours islamistes. Convergences et spécificités ?
 Représentations et croyances dans les discours islamistes.
 Clichés et stéréotypes du discours islamiste politique.
 Discours islamistes et société civile dans le monde arabe et musulman.
 Discours islamistes en Occident. 
 Médiatisation des discours islamistes : quelles perspectives ?
 Quelles grilles de lecture pour le discours islamiste ?

 

Calendrier

 

 Lieu de la rencontre : Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Université Mohamed V, Rabat.
 Date de la rencontre : 29-30 avril 2015.
 Date limite de soumission des propositions : 20 janvier 2015
 Période de notification des propositions acceptées : 5-10 février 2015
 Date limite de soumission des communications (final version): 15 avril 2015

 

Comité d'organisation

 

 M. El-Mostafa Chadli, GEPANC / Université Mohammed V, Rabat, Maroc
Courriel : chadli_elmostafa@yahoo.fr

 M. Azzedine G. Mansour, GEPANC / Université Laval, Québec, Canada
Courriel : azzedinemansour@sympatico.ca

Ce séminaire, dont les actes feront prochainement l'objet d'un ouvrage collectif, est organisé sous les auspices de la Faculté des Lettres et des sciences humaines de l'Université Mohammed V(Rabat, Maroc) et de la Fondation Konrad-Adenauer-Stiftung (bureau au Maroc).

 

 

 

Programme 

 

Mercredi 29 Avril 2015

Matinée 9.00 – 12.30

Accueil et Inscription des Participants et Invités  9.00 – 9.30

Session plénière d’ouverture du Colloque  9.30 – 10.00

Allocutions d’ouverture du Colloque :

- Dr. Saïd Amzazi, Président de l’Université Mohammed V de Rabat.

- Dr. Jamal Eddine El Hani, Doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences

  Humaines.

- Dr. Helmut Reifeld, Représentant-Résident de Konrad Adenauer Stiftung.

- Dr. El Mostafa Chadli, Président du Groupe d’Etudes Politiques sur l’Afrique

  du Nord Contemporaine (GEPANC).

- Dr. Azzedine Mansour, Comité d’organisation.

 

Réception 10.00 – 10. 30

Session I : 10.30 – 12.30  Discours islamiques/Discours islamistes :  

                                           Conscience, raison et vision du monde.

 

Modérateur : Pr. Moulay Rachid Mrani.

 

Pr. Lahouari Abdi, IEP, Université de Lyon II.

Le discours religieux entre raison et conscience.

Dr. Gunter Mulack, Directeur du Deutshe Orient-Stiftung

Le discours salafiste dans le monde arabe.

Pr. Mohamed El Ferrane, IERA, Université Mohammed V, Rabat.

Divergence et convergence dans le discours islamiste contemporain.

 

Débat.

Après-midi 15.00 – 18.30

Session II : 15.00 – 16.30   Le discours islamique entre foi, salafisme  

                                            et modernité.

 

Modérateur : Pr. Mohamed El Ferrane.

 

Pr. El Mostafa Chadli, FLSH, Université Mohammed V, Rabat.

Le discours sur la modernité. Quelle posture pour l’intellectuel musulman ?

Pr. Abdessamad Tamouro, FLSH, Université Mohammed V, Rabat.

Le discours de la croyance. Fondements et utilisation dans le monde arabe.

Pr. Azzedine Mansour, Université Laval, Québec.

Le salafisme. Du mythe du Califat au Jihad.

 

Débat.

 

Pause – café 16.30 – 17.00

 

Session III : 16.30 – 18.30  Imaginaire, représentations et croyances dans le

                                             discours  islamiste.

 

Modérateur : Pr.  Abderrahim Maslouhi.

 

Pr. Saïd Jebbar, FLSH, Université Chouaïb Doukkali, El Jadida.

L’Islam et le discours sur l’Islam.

Pr. Abdallah Haouzi, FLSH, Université Ibn Tofaïl, Kénitra.

Le projet politique islamiste et la nécessité d’une pensée des lumières.

Pr. Rachid Mrani, Université UQAM, Montréal.

L’islamisme et l’islamisation des sociétés.

Pr. Mohamed Ourya, Université de Sherbrooke, Montréal.

Discours, représentations et usage de la justice dans le discours islamiste actuel.

 

Débat.

 

 

 

Jeudi 30 Avril 2015

Matinée 9.00 – 12.30

Session IV : 9.00 – 10.30   Médiatisation des discours islamistes : Stratégies,

                                           impact et perspectives.   

 

Modérateur : Pr. Moulay Rachid Mrani.

 

Pr. Lise Garon, GEPANC, Québec.

L’islamophobie dans les médias québécois.

Pr. Simon Shen, The Chinese University of Honk Kong.

The Image of Radical Islam in China’s Media.

Pr. Duygu Oztin, Université d’Izmir.

Le pathos dans le discours des politiciens islamistes en Turquie.

Pr. Baudoin Dupret, CJB, Rabat.

Les vidéoclips antiterroristes diffusés par les chaînes satellitaires arabes.

Pr. Hafida Mderssi, FSE, Université Mohammed V, Rabat.

Le discours islamiste : Quelles orientations dans une ère de guerre médiatique ?

 

Débat.

 

Pause – café  10.30 – 11.00.

 

Session V : 11.00 – 12.30  Les Islamistes à l’épreuve du pouvoir.

 

Modérateur : Pr. Saïd Bennis.

 

Pr. Abderrahman Tenkoul, Université Ibn Tofaïl, Kénitra.

Esthétique et dogme religieux dans le Maroc d'aujourd'hui.

Pr. Hassan Tariq, FSJES, Université Hassan I, Settat.

Les Islamistes à l’épreuve des politiques publiques.

Pr. Abdelali Hamieddine, FSJES, Université Mohammed V, Rabat.

Les Islamistes et le pouvoir : Révisions dans le discours et la pratique.

Pr. Abderrahim Maslouhi, FSJES, Université Mohammed V, Rabat.

Les Islamistes à l’épreuve de la gouvernance gouvernementale : Contraintes et parades.

Pr. El Ghadi Mohamed, FSJES, Université Cadi Ayad, Marrakech.

L’Islam politique et le pouvoir. Problématique du discours alternatif.

 

Débat.

Après-midi 15.00 – 18.30

Session VI : 15.00 – 16.30   Le discours et ses stratégies, 1.

 

Modérateur : Pr. Abdallah Haouzi

 

Pr. Saïd Bennis, FLSH, Université Mohammed V, Rabat.

Discours islamiste et paradigme de la diversité.

Pr. Elmostafa Haddiya, FSLH, Université Mohammed V, Rabat.

Représentations religieuses des jeunes au Maroc et transformations sociales.

Pr. Nadia Bayed, FS, Université Mohammed V, Rabat.

Le fonctionnement de l’implicite dans le discours associatif des Islamistes. Cas du MUR.

Pr. Ijou Cheikh Moussa, FLSH, Université Mohammed V, Rabat.

Le discours soufi dans la poésie d’Abdelkader Al-Jilani.

Pr. Hassane Belgra, CFIE, Rabat.

Référentiel religieux et éducation aux valeurs dans le système éducatif marocain.

 

Débat.

 

Pause – café 16.30 – 17.00.

 

Session VII : 17.00 – 18.30   Le discours et ses stratégies, 2.

 

Modérateur : Pr. Hassane Belgra.

 

Pr. Ahmed El Yaâgoubi, EST, Université Moulay Ismaïl, Khénifra.

Les modalités énonciatives dans le discours politique islamiste marocain : Cas du PJD.

Pr. Sara Mejdoubi, Université UIR, Rabat.

Les stratégies persuasives dans le discours et la communication du PJD.

Dte Merieme Zinoun, Université Mohammed V, Rabat.

Métaphorisation et stéréotypie de l’image des islamistes dans les médias.

Dt Abdellatif Tahiri, Université Mohammed V, Rabat.

Analyse argumentative du discours islamiste. Cas du mouvement Al-Adl wal-Ihssane.

Dte  Soumiya Al Arkoubi, MAP, Rabat.

Les médias : Un moyen de faire de la propagande ou de véhiculer des stéréotypes sur les Islamistes ?

 

 

Débat.

Session VIII : Clôture du colloque  19.00 – 19.30.

 

Synthèse des travaux et clôture du colloque.