

Groupe d'Etudes Politiques sur l'Afrique du Nord Contomporaine
Transition démocratique ou labyrinthe de transition démocratique ?
Rkia El-Mossadeq, Faculté de droit de Fès, Fès, Maroc
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Les analyses des développements politiques et constitutionnels actuels sont dominées par l'idée que le Maroc est en phase de transition démocratique et que la priorité de l'étape politique actuelle consiste à achever le processus de cette transition ; ce dernier, étant déclenché à partir du début de la dernière décennie du XXe siècle par les réformes constitutionnelles et électorales (1992-1993), a engendré une dynamique consensuelle couronnée par l'unanimité de la quasi-majorité des partis du mouvement national autour de la réforme constitutionnelle de 1996 et de la réforme électorale de 1997. Le gouvernement dit "d'alternance" (mars 1990) présidé par M. Abderrahmane El-Youssoufi en est l'aboutissement.
Or la réalité politique et constitutionnelle est imprégnée par les labyrinthes de la transition démocratique dont les prémisses remontent aux années quatre vingt. Ces labyrinthes se révèlent à trois niveaux : le développement de la constitution implicite et la marginalisation de la constitution explicite ; la progression du jeu de consensus qui marginalise le pouvoir des institutions ; et la prolifération des solutions politiques recherchées en vue de résoudre la problématique de l'alternance.
Ce sont autant d'éléments qui s'inscrivent aux antipodes de l'État de droit en générant un processus de fragmentation de la légalité constitutionnelle. La priorité de l'étape politique actuelle consiste à envisager les moyens adéquats pour sortir des labyrinthes de la transition démocratique.
Démocratisation et participation dans le Nord de l'Afrique. Les mécanismes paradoxaux de la dynamique démocratique
Jean-Noël Ferrié & Jean-Claude Santucci
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Depuis quelques années différentes sociétés du Nord de l'Afrique - et notamment le Maroc et l'Égypte - expérimentent des formes paradoxales de "démocratisation". Celle-ci étant conçue, d'une manière générale, comme ne pouvant procéder que de l'affaiblissement des régimes autoritaires en place et de la montée en puissance de l'opposition (ou plus récemment de la "société civile"), ce à quoi on assiste est sensiblement différent puisque la démocratisation est initiée par les régimes en place et implique une "dépolitisation" de l'opposition, non pas au sens de l'abandon de tout projet politique, mais d'une absence de contestation du régime et de ses fondements politiques. Cela ne signifie pas loin de là l'absence de toute critique, comme l'atteste dans les pays du nord de l'Afrique le réel développement de la sphère publique, avec les attaques contre les politiques publiques, la corruption stigmatisée,… Mais l'origine de ces dysfonctionnements ne peut être rabattue sur la responsabilité politique des "gouvernants suprêmes", du roi du Maroc ou du Président de la République égyptien, par exemple. Les gouvernants ne sont donc pas évalués en termes politiques, à l'intérieur d'une compétition ouverte, mais en termes moraux, indépendamment de toute idée de sanction, c'est-à-dire de la possibilité d'ôter le pouvoir à ceux qui le détiennent. La dépolitisation de la critique suggère bien sûr l'adoption d'une forme d'un consensus, qui ne recouvre pas exactement la situation des "pactes politiques", dans la mesure où les contractants s'accordent positivement et en situation inégalitaire, les gouvernants en place étant plus que des parties aux contrats. "L'alternance" version marocaine, et la fiction du multipartisme dans la compétition présidentielle en Égypte en sont de parfaites illustrations.
Pour autant il semble difficile d'opter pour une analyse de type cynique (la "démocratisation" est un simple trompe-l'œil…) ou pour des approches de type culturaliste voire essentialiste (les sociétés arabo-musulmanes seraient historiquement sinon constitutivement réfractaires à la démocratie…). Toutefois, si l'on prend au sérieux la "démocratisation", c'est-à-dire si l'on admet qu'elle instaure une série de mécanismes représentant des contraintes pragmatiques pour les acteurs, trois questions dont nous débattrons dans notre communication, notamment à partir des cas égyptien et marocain paraissent alors au centre du dispositif de démocratisation :
- Quelles sont les contraintes propres de chacune des situations de "démocratisation" ? Pourquoi les gouvernants de certaines sociétés peuvent-ils envisager certains dispositifs d'ouverture et pas d'autres ?
- À partir de quelles anticipations les gouvernants envisagent-ils la "démocratisation" comme une nécessité ? Est-elle la contrepartie de la libéralisation économique, ou bien craignent-ils seulement de perdre le pouvoir s'ils ne réforment pas le gouvernement ?
- La participation active des gouvernés est-elle nécessaire à la réussite du processus et existe-t-il une continuité obligée entre la "démocratisation" et la "démocratie" ?
L'entrepreneur marocain nouveau défenseur du trône ? Sur la construction sociale et politique d'une catégorie libérale.
Myriam Catusse
IREMAM, Aix-en-Provence (France)
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Près de vingt ans après l'adoption d'un programme d'ajustement structurel au Maroc et quatre ans après la signature d'un accord de libre échange avec l'Union Européenne, je me propose de discuter de quelques hypothèses sur les interactions entre réformes économiques et politiques. Il s'agira principalement de présenter les arguments de ma thèse sur l'entrée en politique des entrepreneurs marocains (soutenue le 4/10/1999 à Aix en Provence), en suggérant que la fin de règne de Hassan II s'est caractérisée par l'émergence des "entrepreneurs", catégorie politique et sociale charnière dans la réforme en cours (en cour ?) car polysémique, comme potentiels nouveaux "défenseurs du trône".
Cette population, mise en avant par les approches libérales consacrées aux "nouveaux acteurs" a un pied dans le march‚ et l'autre dans l'espace du politique. Elle incarne à la fois tradition et modernité. Composée d'individus a priori égoïstes, elle participe de logiques communautaires et sociales. C'est l'ambiguïté et la dualité de leurs positions et de leurs statuts, c'est aussi peut-être l'hétrogénéité du groupe, qui semble permettre aux entrepreneurs (aux bourgeois ?) marocains d'être des acteurs particulièrement privilégiés de la transition.
M'appuyant sur une longue enquête réalisée au Maroc de 1995 à 1998, je me penche sur l'articulation entre la formation du groupe et la construction, contradictoire et historique d'un ordre politique, en deçà (ou au-delà) d'une hypothèse de démocratisation. En privilégiant une approche socio-historique (par opposition à une conception a-historique, fonctionnelle et technicisée des processus de "globalisation" et de "démocratisation"), je me concentre sur l'évolution des stratégies déployées par les acteurs économiques, tandis que les rapports de pouvoirs, les formes de gouvernement et les institutions se transforment. Sollicités pour intervenir dans la régulation du marché intérieur et international, ils entrent en politique : collectivement, par l'institutionnalisation d'un groupe d'intérêt patronal (dont l'apparence néocorporatiste révèle une volonté ambivalente de rationalisation et de désamorçage des conflits sociaux); individuellement, puisqu'à la faveur des élections locales et législatives de 1997, ils ont sensiblement investis le "marché politique". Les compétences économiques et entrepreneuriales semblent devenir à travers ces processus pertinentes, légitimes et efficaces pour mener à une carrière politique.
Protagonistes d'accords sur les institutions sociales, économiques et politiques (Accord de dialogue social et Gentleman's agreement durant l'été 1996, Référendum sur la Constitution marocaine en septembre 1996), les entrepreneurs marocains participent dans les années 1990 à une "économisation" et à une "dépolitisation" du politique dont l'analyse comparée contribue à avancer dans les réflexions sur les modalités et les "sens" des transitions. Simultanément objets et sujets de la "libéralisation", ils assurent à la fois la reproduction et la réforme du système politique, notamment de son avatar makhzénien. Ils participent entre autres à la redéfinition de relations d'interdépendance, à un équilibrage incessant des tensions entre groupes et individus, dont l'économie révèle les métamorphoses et les transformations du système politique marocain.
La transition politique en cours au Maroc : la monarchie, la gauche et les islamistes.
Aziz N'haïli
Université Laval, Québec (Canada)
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Depuis la fin des années quatre vingt et le début de la décennie quatre vingt-dix, le régime marocain a engagé le pays dans un processus de libéralisation politique élargie. La transition politique, initiée en 1998 par la formation du gouvernement de centre-gauche dirigé par l'ancien opposant Abderrahmane El-Youssoufi (Union socialiste des forces populaires), est la continuation de ce processus. L'avènement de cette transition "non démocratique" est conditionné par des facteurs internationaux et domestiques. Sans le concours conjugué de ces facteurs, le Maroc n'aurait pas expérimenté cette transition. L'avènement d'un système international unipolaire, une Algérie voisine ensanglentée par huit années de "guerre contre les civils", et un islamisme marocain de plus en plus entreprenant, ouvrent de nouvelles perspectives et tracent les contours d'un nouveau repositionnement du paysage politique dans lequel des acteurs importants (la monarchie, la gauche institutionnelle et les islamistes modérés et radicaux) poursuivent chacun des objectifs différents.
Dans cette communication, l'auteur prévoit dégager les conditions domestiques et internationales qui ont facilité la mise en place de cette formule politique inédite dans l'histoire politique contemporaine du Maroc. Il cherche également à retracer les objectifs, les enjeux et les conséquences de ce processus pour les principales forces politiques du pays. Derrière ce développement, l'auteur adopte une analyse rationnelle de l'action politique.
Les trajectoires de l'alternance marocaine
Frédéric Vaidel
IREMAM, Aix-en-Provence (France)
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L'auteur voudrait s'attacher dans cette communication à proposer un certain nombre d'éléments de compréhension de la mise en place de l'alternance. L'attention se portera sur les tendances longues qui structurent le politique dans le Maroc actuel, tendances dans lesquelles se sont déployées les stratégies des acteurs de l'alternance. Le changement politique étant abordé à partir des mouvements qui le préparent.
Il conviendra de réfléchir à la mise en place et à la mise en forme de l'alternance à partir de deux phases : celle de l'ajustement économique et celle de l'ajustement politique (réformisme constitutionnel, régionalisation). Elle sera abordée aussi à partir d'un certain nombre de processus qui traversent le champ politique : massification de la vie politique, institutionnalisation et formalisation de la pratique politique, seuil générationnel atteint. Tous ces éléments aboutissent à une rupture dans le temps politique et à sa restructuration, typique des contextes de transition politique.
L'alternance sera saisie à un premier niveau comme la stratégie du Palais qui a conduit à l'intégration d'une partie de la mouvance islamiste et la participation à la gestion par l'USFP et ses alliés, stratégie qui a été appropriée par les acteurs qu'elle visait. Elle serait à un second niveau un moment dans un débat qui traverse l'opposition en même temps que la forme prise par ce débat. Il s'agirait en définitive d'un concept "indigène" et non pas d'un instrument d'analyse.
Fluctuations of Civilian Capability to Protest : A Theoretical Model of political Change.
Lise Garon
Université Laval, Québec (Canada)
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Robert M. Cutler
Carleton University, Ottawa (Canada)
Adresse : Succursale H, C. P. 518, Montréal (Québec) Canada H3G 2L5
Téléphone : (514) 939-2769 - Télécopieur : (514) 932-4457
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How can civil society loose its capability to influence political course ? How can one explain that nobody seems to be aware of such an ordeal whenever it so happens ? How can the public arena eventually be reopened ?
On the basis of empirical evidence taken from the Maghreb and the ex-Sovietic bloc, we will discuss these questions in the light of the classical paradigm of check and balance. Three hypotheses will be proposed in order to explain the quasi-cyclic fluctuations of the public arena in many countries : dangerous alliances can veer democratization processes off course.
The functional subjectivity of the international media then operates in two phases : first by supporting dictatorial rule and afterwards by focusing attention to banned information leaked out to outside by dissidents.
The growing influence of international civic networks is responsible for this shift in attention. This phenomenon, when in conjunction with internal unrest, may be a decisive factor in the downfall of dictatorship.
The International Dimension in Transitions
to Democracy and Back : the Case of Algeria.
Francesco Cavatorta
Trinity College, Dublin (Ireland)
Adresse : Department of Political Science, Trinity College
1 Foster Place, College Green, Dublin 2, Republic of Ireland
Téléphone : (353)1 608-1651 - Télécopieur : (353) 1 677-0546
Courriel : cavatorf@mail.tcd.ie
The paper will attempt to analyse the effects of the "international dimension" on democratising countries. The globalisation of the economy, the spread of a unifying "world culture", and western dominance of international relations have a considerable impact in determining the timing and the outcome of democratic transitions. Domestic factors need to be integrated by international variables if explanations are to be found. Theoritical and practical difficulties in proving causal mechanisms between international variables and domestics outcomes can overcome by defining the international diemnsion in terms of Western dominance of world politics and by speculating on specific Western actions towards democratising coutries.
The paper focuses on the case of Algeria, where international factors are key in explaining the initial process of democratisation and its following demise. As a matter of fact, the entire Mghreb region is particularly vulnerable to international pressure for its geo-strategic location, for its natural resources, and for its colonial past. In particular, the paper argues that direct Western policies and the structural pressures of the international system influence the internal distribution of power and resources, which underpins the different strategies of all domestic actors. In Algeria, a return to authoritarian rule was in the interest of the leading Western countries for a variety of reasons ranging from military security to immigration and from economic interests to ideological reasons. The Algerian regime had been shored up before the coup and subsequently "compensated" for carring it out.
The paper concludes that purely "nativist" analysis cannot explain the process of democratisation and that international variables must be taken into more serious account and much more detailed. They should not be treated simply as secondary, but should be integrated with domestic factors in order to fully explain successful and failed transitions.
Democracy Denied : America's Authoritarian Approach Towards the Maghreb - Causes and Consequences.
John Entelis
Fordham University, Bronx (USA)
Adresse : Department of Political Science, Fordham University,
Bronx, New York 10458 USA
Téléphone : (201) 265-2676 - Télécopieur : (201) 265-6336
Courriel : entelis@fordham.edu
In the post-Cold War era, the Western powers have pursued a foreign policy approach devoted to promoting "market democracy" worldwide. This policy has emphasized the role of the market in economic relations and democracy and human rights in the political sphere. These "global" imperatives have come to define the new international order from which few countries or regions can escape, defy, or alter. Yet one region in particular--the Arab-Islamic world--has not only escaped this imperative but has been encouraged to do so by the very power that has made market democracy the centerpiece of its global foreign policy--the United States. By focusing on the three countries of the Maghreb--Morocco, Algeria, and Tunisia--this paper seeks to elaborate the particular context, structure, and beliefs which have promoted an exceptionalist interpretation of North Africa by Washington resulting in the virtual absence of both democracy and a market economy in the region.
The twin issues of Israel and Islamism are put forth as the key to an understanding America's "authoritarian approach towards the Maghreb." Given Washington's primacy of promoting Israel's welfare at the expense of all other interests save that of oil in the MENA and fear of the so-called "Islamic threat" in the region and beyond, the Maghreb in particular and the Arab-Islamic world in general will find little external support in their efforts to democratize and liberalize state and society.
Global Markets and Democratizationin North Africa.
Bradford Dillman
American University, Washington DC (USA)
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4400 Massachussets Avenue NW, Washington DC 20016-8071.
Téléphone : (202) 885-3091
Courriel : dillman@american.edu ou dillmanbrad@hotmail.com
This paper assess the impact of international market forces on North African political regimes. Is there a correlation between deeper integration into a globalized capitalist system and the development of more democratic politics? To what extent have the pressures of global markets - via multinational corporations, free trade organizations, and capital inflows - influenced the nature and extent of regime change? Much of the literature on globalization and democratization posits that authoritarian governments must adapt to these pressures with policy reforms that foster greater transparency, accountability, and rule of law, thereby enhancing the prospects for democratization.
A comparison of the cases of Morocco, Algeria, Tunisia, and Egypt since the mid-1980s helps assess hypotheses about the impact of external economic factors on domestic political transitions. To account for similarities and differences in political change, the paper focuses on three variables that mediate the impact of similar external economic pressures during economic adjustment: regime access to external resources; the nature of "distributional coalitions;" and the structural characteristics of local business elites.
Despite facing constraints from foreign markets backed by powerful states, regimes in Morocco, Algeria, Tunisia, and Egypt have managed to mitigate many of the challenges of economic globalization through selective economic reform and repression. In North Africa, the global "corporate turn" has yet to have a "revolutionary" impact on governance or state sovereignty. This suggests that in some transitional economies, incumbent elites can forestall democratization by a selective engagement with global markets that maintains distributional coalitions and coopts a largely dependent domestic private sector. What is important in this process is whether regimes are able to extract from greater capital inflows, and are able - via partial economic liberalization - to generate administrative efficiencies, control access to market "rents," and substitute for declining resources.
Autoritarisme et "démocratisme" en Tunisie :
essai sur la culture politique des acteurs
sous le régime de Ben Ali
Vincent Geisser
IREMAM, Aix-en-Provence (France)
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Téléphone : (33) 4 42 23 85 00 - Télécopieur : (33) 4 42 23 85 01
Courriel : Geisser@mmsh.uni-aix.fr
Il existe en Tunisie un attachement très fort au formalisme démocratique qui ne relève pas simplement de la manipulation politique mais plonge ses racines dans une tradition libérale et constitutionnelle déjà ancienne. Ce n'est pas un hasard si la Tunisie est aujourd'hui le pays arabe qui a poussé le plus loin la codification juridique et qui a été à l'origine de nombreux textes relatifs à la protection des libertés fondamentales. Ce "juridisme" présent dans toutes les sphères de la vie publique participe d'une certaine vision tunisienne de l'État de droit qui se marie volontiers avec des pratiques répressives systématisées.
Si l'on peut donc parler d'une relative démocratisation en Tunisie, celle-ci ne relève pas d'un mouvement récent comme en Algérie ou au Maroc, mais s'inscrit dans une histoire déjà ancienne, où la "culture de la violence", comme mythe fondateur du Pacte politique, a été rejetée au profit d'une culture de tractations et de négociations.
Dans le cadre de cette contribution pour le congrès de l'IPSA, il ne s'agit pas de proposer une vision apologétique de la conception tunisienne de l'État de droit mais d'essayer de saisir les limites et les obstacles au processus de démocratisation. Nous partirons de l'hypothèse que la difficulté que connaît actuellement la Tunisie à mettre en oeuvre une transition démocratique provient précisément de cette culture du compromis qui favorise davantage la continuité que la rupture. L'on tentera de démontrer que la démocratisation tunisienne est d'autant plus incertaine et boiteuse qu'elle a du mal à se trouver une identité par rapport à un passé relativement libéral. Ce qui fait défaut à la Tunisie de Ben Ali, c'est en quelque sorte une culture de la rupture qui impliquerait que les détenteurs du pouvoir ne se réfugient plus systématiquement derrière les textes d'inspiration libérale et constitutionnelles pour masquer et légitimer leurs pratiques autocratiques et répressives. La démocratisation "à la tunisienne" est d'autant plus problématique et ambiguë qu'elle est moins perçue par les acteurs, y compris ceux de l'opposition, comme un objectif à conquérir que comme un acquis à préserver.
Internet et le mouvement des droits de l'homme : cas de l'Organisation marocaine des droits de l'homme
Charaf Ahmimed
Université Laval, Québec (Canada)
Adresse : Institut québécois des hautes études internationales, Pavillon Charles De-Koninck, Université Laval, Québec (Québec) Canada G1K 7P4.
Téléphone : (418) 522-2670 - Télécopieur : (418) 656-3634
Courriel : charaf_Ahm@hotmail.com
Le développement de nouvelles technologies d'information et de communication a généré un accroissement de techniques au service de la politique, le réseau électronique constituant une nouvelle agora de confrontation entre les différents acteurs de la société. Ainsi, en limitant les contraintes de communications liées au temps et à l'espace, Internet permet une meilleure coordination de l'action associative et offre une meilleure accessibilité à l'information de la part des intervenants de la société civile, réduisant du coup le monopole étatique de l'information.
L'Internet s'inscrit, au Maroc, dans cette problématique de l'évolution des rapports de force entre l'État et les institutions civiles, les ONG bénéficiant d'un nouveau moyen de communication pour la diffusion de l'information. L'Internet offre ainsi plus de visibilité, de leadership, de légitimité et de crédibilité à des organisations encore aujourd'hui menacées par la censure perpétrée par le système makhzénien. En mettant en réseau l'information pertinente, les mouvements sociaux peuvent affronter les acteurs étatiques dans les débats publics et mettre en cause la légitimité des dirigeants, le débat politique étant ainsi rendu accessible à un plus grand nombre de citoyens. Face à l'évolution du réseau électronique au Maroc, la question devient celle de la place de l'Internet dans la stratégie de communication des ONG : quel usage fait le mouvement des droits de l'homme au Maroc de l'Internet ? Nous tenterons de démontrer à l'aide de l'étude du cas de l'Organisation Marocaine des Droits de l'Homme (OMDH) que l'Internet crée de nouveaux réseaux entre organisations et renforce l'action de l'Organisation vis-à-vis de l'État.
Algérie, réconciliation et démocratisation : les illusions de l'après-guerre civile ?
Luis Martinez
CERI, Paris (France)
Adresse : Centre d'études et de recherches internationales,
Fondation nationale des sciences politiques. 41, rue Chevreuse 75006 Paris, France
Téléphone : (33) 1 44 10 84 78 - Télécopieur : (33) 1 44 10 84 50
Courriel : luis.martinez@ceri.sciences-po.fr
Depuis l'élection du président Abdelaziz Bouteflika, de nombreux facteurs laissent à penser que l'Algérie est en voie de retrouver la paix civile et le chemin de la démocratie. A l'arrêt définitif de l'usage de la violence par l'AIS, bras armé du FIS, s'ajoute la volonté présidentielle de trouver une solution politique au conflit né de l'interruption des élections législatives de décembre 1991. En rompant avec la politique d'éradication des islamistes de ses prédécesseurs, le nouveau président algérien inaugure une nouvelle période dans laquelle la réconciliation nationale paraît être déterminante comme l'illustre l'organisation d'un référendum national sur cette question.
Cette politique permettra-t-elle réellement à l'Algérie de retrouver la paix ? On peut en douter et cela pour plusieurs facteurs. En premier lieu, en raison du refus d'une partie de la guérilla islamiste de déposer les armes à l'instar du GIA et du GIPJ (Groupe islamiste pour la prédication et le djihad). En second lieu en raison de l'opposition d'une partie des forces de sécurité à une solution politique avec les islamistes. Sure de sa force, une partie de l'État major considère que toute forme de négociations avec les islamistes constitue un aveu de faiblesse, aussi leur éradication apparaît comme la seule politique à mener. Enfin la militarisation de la société, à travers le développement des milices, rend difficile la reconversion professionnelle de ces recrues vers des emplois extérieurs au secteur de la sécurité.
Dans cette perspective la violence persistera à provoquer des drames en Algérie. L'Algérie est sans aucun doute sur le bon chemin : mais celui-ci reste encore pavé de nombreuses bombes. Le temps de la paix s'approche, mais l'écho des derniers attentats rappelle qu'un référendum sur la paix n'efface pas les 100 000 victimes de ces dernières années.
L'idéologie nationale algérienne face à la modernité
Mustapha Hadjarab
Institut Maghreb-Europe, Paris (France)
Adresse : Institut Maghreb-Europe, Paris 8, Saint-Denis (93), France.
Téléphone : (33) 1 49 40 68 67
Courriel : mhadj@ifrance.com
Notre communication se propose d'analyser la formation et le rôle historique de l'idéologie nationale en tant qu'expression du rapport que la société algérienne et son État entretiennent avec la modernité. Cette idéologie voile / dévoile les rapports socio-politiques internes de la société dont une partie essentielle est coagulée dans l'État, mais pas seulement. Mohammed Harbi a analysé pour la période du nationalisme la formation de l'idéologie populiste, qui est une étape de la construction de ce que nous appelons l'idéologie nationale.
Notre démarche comprendra trois moments. Dans un premier temps, nous voulons exposer les conditions historiques de la formation de l'idéologie algérienne sous la forme d'un panorama des facteurs historiques et des thèses. Dans un deuxième temps nous voulons exposer le rôle politique des thèses idéologiques dans la légitimation du pouvoir, autrement dit l'analyse des usages idéologiques par l'État dans la tentative de renouvellement des bases de sa légitimité. Pour terminer, nous aborderons la crise de l'idéologie algérienne et la nécessité de sa déconstruction. En effet, la crise de l'État, mais aussi de la nation imposent une critique radicale de l'idéologie nationale par la mise en évidence de son rôle dans le maintien des obstacles se dressant encore devant la société engagée dans un lent, contradictoire et long mouvement historique de sécularisation et de démocratisation.
Mondialisation, Démocratisation et République "couscoussière". L'Algérie à l'heure de l'homme symbiotique et du paradigme de la complexité : Partenaire ou enjeu ?
Ali Haouchine
Université de Montréal, Montréal (Canada)
Adresse : 8992 Tolhurst, Montréal (Québec) Canada H2N 1W8
Téléphone : (514) 389-5403 - Télécopieur : (418) 682-0175
Courriel : ahaouch@vif.com
L'entrée dans le nouveau millénaire coïncide avec l'émergence du Cybionte (contraction de cybernétique et biologie). Nouvelle forme de macro-vie à l'échelle planétaire, le cybionte engage l'être humain dans une co-évolution avec son environnement animal, végétal, écologique, mais aussi avec les machines, systèmes et réseaux qu'il s'est créés, inaugurant ainsi l'ère de l'homme symbiotique (Joël de Rosnay, L'Homme symbiotique).
Intrinsèques à cette méga-transformation, deux bouleversements de longue durée altèrent déjà en profondeur nos sociétés, en affectant radicalement leurs visions du monde (F. Mayor, Un Nouveau monde, 1999 : 10) :
La troisième révolution industrielle, qui fait basculer notre monde vers un nouveau "monde mondial"; cette troisième révolution ne doit pas ˆtre confondue avec la mondialisation, qui n'en est que la résultante. "Confondre l'une et l'autre revient à confondre l'effet et la cause", disait Federico Mayor (F. Mayor, 1999 : 10).
La révolution scientifique, qui ouvre à notre monde de nouveaux chemins, mais le fait aussi basculer dans un océan d'incertitudes et de doute (conception de la nature et de l'histoire marquée au sceau de l'aléatoire).
Dans le cadre de la présente communication, nous nous proposons d'examiner l'ensemble de ces notions pour fins d'éclairage, de clarification et d'anticipation quant aux enjeux qu'elles sous-tendent pour le devenir du Maghreb. Nous argumenterons que face à la spirale des changements à la fois géopolitiques, technologiques, culturels et sociaux, mais aussi systémiques, puisque causes et effets interagissent pour provoquer de nouveaux bouleversements générateurs d'espoirs (nouveau canevas d'idéaux à atteindre et de défis à relever) ou porteurs de régressions (entre autres, périls associés à la mondialisation d'essence ultra-libérale), les sociétés maghrébines ont impérativement besoin de se doter d'une capacité d'analyse et d'action liant, dans un même mouvement, capacité dynamique d'anticipation et de solidarité exigée pour juguler les effets de la fragilisation interne associés aux processus d'adaptation au nouveau monde, et logique de résistance pour contrer les effets de la vulnérabilisation externe dus à la mondialisation prédatrice (GRIT et de la revue Transversales/Sciences-Cultures). De la manière dont elles s'y prendront pour réagir à ces nombreux défis, qui demandent à être pensés ensemble et simultanément, dépendra la nature de leur intégration dans le cybionte : en tant qu'acteur et partenaire dans les processus de la globalisation planétaire et solidaire, ou comme enjeu de la mondialisation prédatrice.
Examinant le cas particulier de l'Algérie à partir de la nouvelle donne, nous argumenterons que face à l'entreprise de restructuration version Mc-World concoctée par le FMI via son programme d'ajustement structurel, l'Etat algérien n'a déployé qu'une déplorable stratégie de "naamisme" endurci, confortant ainsi l'Algérie dans sa nouvelle et peu glorieuse réputation de "république couscoussière", pour reprendre le titre d'une chronique du quotidien algérien El Watan.
En guise d'alternative à cette option suicidaire nous réfléchirons, à partir des nouveaux paradigmes de la complexité, de l'irréversibilité, de la globalisation et de l'incertitude propres au nouveau contexte, et dans le cadre du concept de développement endogène et spécifique, centré sur l'homme et axé sur la résurgence à la contemporanéité (modernité délestée de ses excès occidentalo-centristes), à un cadre théorique qui devrait :
- traiter de l'intégration de l'Algérie (et du Maghreb) au nouveau "monde mondial" dans le cadre de ses multiples projections spatiales mondiale, régionales, nationale et locale ;
- développer, à partir de cette quadruple projection spatiale, une vision renouvelée de la relation Etat-société sur la base d'une reconstruction où l'État émanerait et procéderait de la société et non l'inverse.